SAINT-MARTIN DE CORCONAC • NEWS

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St-Martin au Mexique

Saint-Martin vu par les Indiens du Mexique

Ce panneau est la copie d’une plaque de pierre sculptée et peinte du 16ème siècle, se trouvant actuellement dans l’église Santo-Domingo de San Cristobal de Las Casas, province du Chiapas au Mexique.

Cette plaque a récemment été rénovée, laissant apparaître une curieuse figure de mort sous ce qui semblait être une figure classique du bon Saint-Martin. On suppose qu’il s’agissait d’une accusation cachée faite par l’artiste anonyme, indien certainement, contre les conquistadores oppresseurs de son peuple.

L’histoire d’une petite scène sculptée

Cortés débarqua au Mexique le 22 avril 1519. Le premier contact avec les autochtones eut lieu à Cozumel où les Mayas l’accueillirent en lui offrant de la nourriture, des plumes et de l’or. On connait la suite : conquête et massacres.

La dévotion des espagnols se portait volontiers vers la figure de Saint-Martin, nommé San Martin Caballero (Saint-Martin le Chevalier), qui était le patron des soldats. Quand Cortez eut un fils de la Malinche, il le prénomma Martin.

L’un des espagnols lutta pourtant toute sa vie contre l’exploitation et le massacre des indiens, c’était Bartolomé de Las Casas. Aumônier des armées de Cortez, indigné par ce qu’il voyait, il s’adressa directement à Charles-Quint et lui fit promulguer des « lois nouvelles » au nombre de quatre :

– liberté naturelle des Indiens et remise en liberté des esclaves,

– liberté du travail, limitation des charges et des industries dangereuses,

– liberté de résidence et libre propriété des biens, punition des violences envers les Indiens,

– abolition du système des encomiendas, qui faisait de l’indien un bien meuble sans aucun droit.

Pour appliquer ses volontés de réforme il refusa de grands postes ecclésiastiques, préférant se faire nommer en 1545 évêque de Ciudad Réal du Chiapas, localité au dur climat et à la pauvre population d’indiens chamulas. Mais l’expérience ne réussit pas, il dut fuir dès 1547 la haine des autres espagnols.

Entretemps il fit construire plusieurs églises, parmi lesquelles il en consacra une à San Martin Caballero. Selon l’usage au Mexique à l’époque c’était aux indiens locaux que l’on confiait la construction et la décoration des églises, posant ainsi les racines d’un magnifique art baroque naïf. Juste après le départ de l’évêque elle fut détruite pour être remplacée par une grande église dédiée à Santo Domingo, encore présente. Le mobilier sacré y fut transféré, dont de nombreux tableaux ou retables, souvent consacrés à la figure de Saint-Martin et à son fameux geste de partage.

Lors d’une rénovation récente, l’attention des restaurateurs fut attirée par ce qui apparaissait comme d’évidentes retouches sur une petite scène sculptée dans une pierre calcaire. Sous la figure avenante du saint donateur repeint se trouvait en fait un visage original sinistre, évoquant plutôt la mort que le don compassionnel. Et une fois le nettoyage achevé il apparut comme évident que la sculpture évoquait bien plus un conquistador s’apprêtant à occire un indien humilié qu’un officier généreux couvrant un pauvre de son demi-manteau. Le sculpteur et peintre chamula avait utilisé son art pour détourner l’hagiographie officielle vers un témoignage de douleur.

Cette sculpture originale, certainement contemporaine du passage du Bartolomé de Las Casas à Ciudad Réal (ville aujourd’hui nommée San Cristobal de Las Casas), a-t-elle été maquillée dès sa réalisation ? Ou a-t-elle été approuvée par l’évêque lors de sa pose dans l’église, avant d’être rendue plus présentable lors de l’échec de celui-ci ? Aucun document n’a pour l’instant permis de le savoir.

Bernard de Fréminville